La Motobécane AV 88, plus communément nommée La Bleue, est apparue à la fin des années 1950. Elle est le modèle le plus connu d'une longue famille de cyclomoteurs dont le point de départ est l'AV87 de 1957.
Construite par Motobécane dans ses ateliers de Pantin en Seine-Saint-Denis (93), elle fut le cyclomoteur le plus vendu dans le monde de par sa robustesse et son design jusqu’en 1990. Les Bleues avaient de très bonnes finitions, une peinture très robuste, des chromes, une grande boite à outils dans le cadre, et sur les versions haut de gamme, un compteur kilométrique, un klaxon, et dans les dernières versions un antivol, un accroche-casque.
L'AV87 puis sa famille AV65-68 et AV85-88 étaient une évolution directe de la famille des AV76 dont elles reprenaient les mécaniques et la partie avant. La différence notable était la partie arrière du cadre qui avait un bras oscillant et des coulisseaux amortisseurs permettant le double de débattement par rapport aux coulisseaux verticaux des AV75 et 78, technologie datant de la D45 125 cm3. De plus, une grande boite à outils était intégrée sous la selle remplaçant la boite à outils tubulaire des AV7x.
Le réservoir des AV88 avait une contenance maximale de 5 litres, une consommation en moyenne inférieure à 3 litres aux 100 km permettant de parcourir de grandes distances pour un cyclomoteur.
L'AV87 et sa novatrice fourche à balancier eut une courte carrière et disparut en 1961, remplacée par les premiers modèles d'AV89 "Chaudron", un dérivé équipé d'une selle biplace et de cale-pieds suspendus dont la couleur cuivrée restera presque aussi célèbre que le bleu des ... "bleues". Les autres modèles avaient tous une fourche classique télescopique (dont la licence a été achetée sur un vélo américain) à suspension dans l'axe de la roue.
Les AV65 et AV68 représentaient un bas de gamme aux AV85 et AV88 respectivement. Elles étaient privées de compteur, de chromes et d'accessoires. Les AV65 et AV85 n'avaient pas de variateur tandis que les AV68 et 88 en avaient un, connu chez Motobécane sous la marque "Mobymatic"[1].
Les AV89 garderont leur fourche à balancier jusqu'en 1963 où elles reçurent la fourche classique, mais renforcée par rapport aux "bleues". En dehors de la couleur, les 89 étaient équipées de carter protège-chaine et d'axe de roues arrière à broches mais avec de nombreuses pièces communes aux bleues, allumage, embrayage, piston, vilebrequin, etc.
Il y a eu aussi des versions vélomoteur de la 89 qui nécessitaient un permis, équipées d'un moteur non bridé, elle dépassaient allégrement les 50 km/h.
Comme toujours chez Motobécane, les machines étaient commercialisées parallèlement sous la marque Motoconfort, avec la dénomination AU6x ou AU8x.
Les mécaniques étaient sur toutes les versions le moteur AV7 déjà vu sur les AV7x et sur la famille AV4x, une mécanique éprouvée de 49,93cm3 à deux transferts et admission par la jupe. La puissance développée était de 2ch au départ. Vers la fin de la production, certains modèles ont bénéficié du moteur AV10 de la famille 51 (par exemple 51V,51S...) une mécanique plus moderne, plus puissante à trois transferts et admission par clapets. Certains modèles 881 ont même bénéficié de l'allumage électronique. Le moteur AV7 a subsisté en parallèle à l'AV10 jusqu'à la fin de la production.
La famille des AV88 a définitivement remplacé celle des AV7 dont la production a été stoppée au milieu des années 70, leur absence de suspension les rendant obsolètes. Les 88 ont continué une carrière utilitaire dans les campagnes essentiellement achetées comme engin utilitaire par les professionnels (la Poste en a en particulier utilisé beaucoup), les livreurs et le monde rural du fait de leur grande robustesse. Les jeunes d'alors se tournant plus vers la famille 51 au look plus sportif.
En Afrique, les bleues et les chaudrons continuent à servir au quotidien, utilisées par un grand nombre de personnes. Les modèles les plus anciens côtoient ceux des années 80, certains exemplaires utilisés initialement par les facteurs français continuent leur carrière avec leurs décoration d'origine ! Il est même possible d'en apercevoir des modèles neufs dans un magasin. Mais comme en Europe, le déclin semble s'amorcer sous la pression des scooters et des petites motos en provenance du Japon ou de Chine. En Europe, la côte d'amour de ces anciennes commence à remonter et de nombreux amateurs les restaurent en état collection ou pour un usage quotidien. Il est certain qu'elles représentent une partie non négligeable du patrimoine industriel et culturel de la France.
La Bleue est populaire mais bien plus, elle est représentative d'une longue période qui a suivi la Seconde Guerre mondiale. Elle traverse les générations et prend une place importante dans la vie sociale du milieu ouvrier des campagnes et des villes également. À tous les âges, la Mobylette est de grande utilité. Encore aujourd'hui, c'est régulièrement que l'on peut entendre « Ça me rappelle mon grand-père ! ». D'ailleurs, il n'est pas rare que la Mobylette de papi soit offerte pour les 14 ans. Pour la jeunesse, c'est une étape importante qui conduit vers une nouvelle autonomie, les sorties entre copains, le travail, les études. La Mobylette accompagne donc l'évolution professionnelle et personnelle des individus grâce à une fiabilité éprouvée. La couleur et les lignes sont parfaitement en phase avec la période. L'image de la Bleue est encore à ce jour le symbole du cyclomoteur sur les panneaux du Code de la route.
En Guadeloupe, plus que la Bleue, la Chaudron (appelée « grena' » par les Guadeloupéens à cause de sa couleur marron orangé) est particulièrement populaire, surtout en Grande-Terre. Importée aux Antilles, dans les années 1960, elle est un « objet de transition », elle représentait l'avènement d'une période pré-industrielle après la fin des restrictions liées à la Seconde Guerre mondiale notamment (passage d'une économie rurale au développement de secteur tertiaire). La « grena' » s'adaptait bien à la topographie et l'économie de la Grande-Terre (peu de relief et un tissu d'usines et d'exploitations agricoles) et son prix aux moyens des ouvriers qui l'achetaient. La Bleue et la Chaudron sont toujours très convoitées en Guadeloupe, et encore plus depuis l'arrêt de leur production en 2002. En 2003, « Ma grena' et moi »[2], un « road-movie » sur deux-roues[3], réalisé par Gilles Elie-Dit-Cosaque, brosse un portrait de la Guadeloupe à travers cette Motobécane. Ce réalisateur nous montre que cette mobylette s'est si bien inscrite dans le patrimoine de la Guadeloupe qu'elle en fut un temps le baromètre social. Ce film a été accompagné d’un travail photographique donnant lieu à un livre et à des expositions photos, dès 2004 (Espace Beaurepaire, Paris / Photoquai, Musée du Quai Branly, Paris / Atrium, Fort-de-France / Casino du Gosier…). Le groupe de Punk guadeloupéen The Bolokos fait également la part belle à la mobylette dans son clip "White Rum"[4].
Avec des pneumatiques de 2 1/4 x 18 (dont la circonférence de roulement sous charge est égale à 1,73 m), au régime du moteur de 1 000 tr/min, la vitesse atteinte est de : Petite vitesse : 5 km/h - Grande vitesse : 8,9 km/h. Au régime maximum du moteur, sur route, avec variateur, la vitesse maximum du véhicule ressort à : 44,5 km/h.